
- "Tiens, lis-la."
Elle resta songeuse, comme si rien ne se passait autour d´elle, même que le bruit de la Ville faisait tresaillir les oiseaux du quartier. Une vieille dame, à côté de leur petite table sur la terrasse de la brasserie, la regarda, comme si elle se demandait que pouvait bien faire une belle jeune fille comme elle tous les après midi au café. Elle n´avait pas l´air parisienne. Très typée, disons. La dame ne fit pas attention au jeune homme élegant et d´air malin qui l´accompagnait aujourd´hui. Il était exceptionellement beau, comme une sculpture classique, sans éxagérer. Et des cheveux courts et noirs qui lui couronnaient la tête dorée par les étranges rayons de soleils jaunis qui traversaient la rue.
- Ben, tiens, tu as de la chance toi! Tu arrives sur place à Paris, de tes Velazquez et Zurbarans, et voilà que tu commences d´en haut, ma petite! Alors là, toi et tes haikus, incroyable! Six mille euros pour le départ!!
_ Je n´y crois pas vraiment... Attends un peu. Peut-être c´est une blague.
_ Tiens, demande à ta dame d´à côté si elle s´en doute... Tu lui avais montré même quelques poêmes, tu m´avais bien dis, et ça lui avait vachemente plû, non? Il va falloir qu´on l´emmène au vernissage de ma prochaine exposition au Soho.
Martine bût un peu. Elle respira profondemment et embrassa René sur les lèvres. Le goût rafraichissant de la menthe à l´eau sur les lèvres de René le transporta loin, en lui faisant penser à la menthe qu´il aimait macher au Maroc, quand il était petit.
_ Avec le fric on ira en Espagne. Au Sud, tu vas voir la mer là bas comme elle est belle, à Trafalgar, à Tarifa...à Zahara. Tu pourras voir le Maroc, même. Ça dépends des jours. Comme ça tu pourras y peindre... J´en ai marre du noir, du métro... Quand je suis içi, je veux être là - bas. Quand je suis là - bas, je veux être içi... C´est fou.
_ Ne t´inquiète pas, c´est comme ça. Avec moi c ést pareil, quand je vais à Marrakesh...
Tout ça ça colle bien pour nos ouvrages, comme tu les apelles. Allez, viens vite chérie. On s´en va... ce soir on va dîner comme il faut... Où Madame?
Ils se levèrent en riant. Le bonheur ça passe drôlement vite, plus vite que la vie même. Donc il faut fonçer quand il arrive. Martine s´adressa à la dame, en s´approchant à sa table.
- Merci Madame, à vous aussi. À bientôt, je reviendrai un jour de mon voyage au Sud, et on boira un café ensemble, si ça ne vous dérange pas. Elle lui montrait sa lettre en l´agitant en l´air.
La dame souria. Les vielles dames parisiennes ont du mal à sourire.
_ Bien sûr, Mademoiselle. Ça nous faira du bien à toutes les deux. Alors Ça a bien marché votre édition? Et elle continua à lire son journal.
Martine et René s´eloignèrent en marchant le long du Boulevard Saint Germain, avec le soleil et le vent des plages de Tarifa dans les yeux, et entre leurs mains bronzées. L´Église Saint Germain avait acquis une couleur mauve, turquoise, un peu baignée avec les tonalités des aquarelles de Martine, qui avait effacé, comme par magie, les gris bleuâtres de ses vieilles pierres noircies. La foi, il faut toujours l´avoir. Il faut y croire. C´est tout. C´est ce qu´on leurs avait toujours raconter là bas au Sud, les Vieilles Mamans, les Mamans, les vraies, vraies Artistes des Déserts, quoi, les Déesses, quoi, comme Martine aimait d´appeler et parler des femmes de leurs pays du Sud, restées si loin, traversant les frontières cahque jour pour une pute de misérables euros... Tu verras, quand on y retournera, on fera bien quelque chose... pour eux, pour elles. Il faut continuer à écrire, à dire à tout le monde que ta soeur est morte en essayant de traverser la frontière avec son chargement de marchandises sur le dos, pour gagner quelques sous, écrasée comme un rat (qui s´en rapeelera?): la frontière qui sépare ta terre de mon Sud que j´aime tant, entre Ceuta et ton Maroc doré d´Hurlevents. En face, c´est Tarifa, Zahara, où on ira. Attends, tu verras ces haikus-aquarelles parlent d´elles. Il faudra que tu me montres d´autre paroles et images de tes terres. Viens, on quitte un peu Paris: Ça nous fera du bien."
Copyright. De mes extraits de "Paris-Sud."
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